LA DOUCEUR AU NATUREL
On peut considérer le Barbet sous deux angles : le chien d'eau et le chien de
compagnie. De nez moins fin que les Braques, moins « passe-partout » que les
Griffons, le Barbet est délaissé par les chasseurs depuis plus d'un siècle. Son
poil laineux lui interdit l'accès aux ronciers mais surtout son peu d'aptitude à
l'arrêt en fait un mauvais auxiliaire pour le chasseur en plaine. En revanche,
s'il est un domaine où le Barbet excelle véritablement, c'est la chasse au
marais. Sur ce terrain, il est incomparable, quel que soit le temps. Il aime
patauger, nager, plonger, rapporter le gibier aussi bien en eaux profondes que
dans les roseaux. A propos de son chien, Pilote, un cynologue et chasseur
averti, M. Coste, écrivait au début du siècle : « Comme pour ses ancêtres,
l'élément de Pilote, c'est l'eau, rien que l'eau. Qu'elle soit tiède, comme en
août, ou glaciale comme en décembre, le bain est toujours un plaisir pour lui.
Il ferait je crois triste figure en plaine. Je ne l'y ai du reste, jamais
conduit. Au marais, seul il est sur son terrain et chez lui. Je l'ai souvent
ramené de la chasse, le poil hérissé de glaçons. Jamais il n'en a paru incommodé
une seconde. Souvent, par les plus grands froids de l'hiver, à 18 ou 19°
au-dessous de zéro, alors que tous ses compagnons de chenil se pelotonnaient
frileusement sous la paille, je l'ai trouvé couché dans la cour, le museau
allongé sur ses pattes, couvert de neige et littéralement poudré à frimas. Le
lendemain sa place était marquée dans la neige fondue sous lui jusqu'au sol. Je
me demande si beaucoup d'autres races offrent de pareilles ressources de
tempérament, et surtout un tel dédain pour les basses températures. Quel
précieux auxiliaire pour le chasseur de sauvagine dans le service
exceptionnellement dur de cette chasse! Car il rapporte par plaisir et il aime à
patauger plus encore que son maître, si jeune et si enragé qu'il soit. »
En 1683, M. de Sélincourt parlait déjà du Barbet en ces termes : «
Ils chassent sur terre et dans l'eau... Leur principale nature est de
rapporter, ils sont rudes au gibier, les frisés plus que les autres, mais tous
sont les plus fidèles chiens du monde et qui ne veulent connaître qu'un maître
et ne jamais le perdre de vue»
Cette remarquable prédisposition du Barbet à la
chasse au marais est d'autant plus intéressante à souligner que les autres races
spécialisées dans ce domaine ne sont pas françaises. C'est le cas, par exemple,
du Labrador, de l'irish Water-Spaniel ou du Cao de Agua.
Plusieurs de nos barbets accompagnent leur maître à la chasse, Zoé de l'Etang de
Fontmerle chasse en couple avec des labradors, Ile Noire des Canailles de
Verbaux chasse aussi en couple, mais avec des korthal, Feuille d'Automne et
Décibelle Noire ont même participé à des épreuves de BICP avant que ne soit mis
en place le BTE pour nos chiens d'eau. Iroise, Lutin, Gloria et quelques autres
dont j'ai oublié le nom ont aussi fait le bonheur de leur maître chasseur.
Mais si le Barbet est un proche auxiliaire de l'homme depuis si longtemps, c'est
aussi parce qu'il se comporte en excellent chien de compagnie. Le Barbet, par
son allure, mais aussi par son comportement, est à mettre au nombre de ces
chiens qui, depuis quelques années, séduisent celles et ceux qui cherchent avant
tout une sympathique boule de poils évoquant immanquablement la peluche.
Comme il fait parti des races rarissimes dépourvues de sous poil (sauf s'il est
bâtardé), c'est le chien idéal pour les personnes souffrant d'allergies au poil
de chien. J'en sais quelque chose! Les expositions canines en lieu clos sont un
véritable supplice pour ceux qui comme moi souffrent d'allergies au poil de
chien.
D'une intelligence et d'une obéissance remarquable, il n'est pas surprenant
qu'il excelle en agility et en obédience.
C'est aussi un merveilleux chien guide pour les non-voyants, tâche pour laquelle
il a été utilisé depuis longtemps.
Cela dit, le Barbet reste un animal authentique qui a su conserver, à travers
les siècles, toutes ses qualités. Ce n'est en aucun cas son snobisme qui peut
attirer l'attention, mais au contraire sa rusticité, sa solidité et un certain
anti-conformisme. Voilà un chien qui n'est absolument pas sophistiqué et qui se
montre particulièrement docile. Il est même rare de voir pareille disposition au
dressage chez les chiens du huitième groupe.
Ce n'est pas pour autant un chien
calme, bien au contraire, car il se montre plein d'ardeur, de vivacité et de
force. Adorant l'eau, il se fera un plaisir d'accompagner, non seulement les
chasseurs, mais aussi les pêcheurs, voire les plaisanciers. Comment trouver race
plus disposée aux plaisirs aquatiques? Très à l'aise sur un voilier, il sait
également, après un léger apprentissage, prévenir le pêcheur à la ligne à la
moindre touche. Nouchka, un des bébés de Gin faisait même de la planche à voile
avec les petits enfants de ses maîtres.
En tout état de cause, le Barbet réclame une présence. Il a
besoin de participer à la vie de la famille qui l'accueille sous son toit. Dès
trois mois, il doit avoir assimilé le « couché », « assis », « pas bougé ». Ses
capacités de compréhension sont sur ce plan étonnantes, et ce n'est pas un
hasard si le Barbet fut employé autrefois dans certains cirques. En cela
également il est l'ancêtre du Caniche. C'est un chien qui se montre ravi de "faire le beau" , de détacher des mains liées, de porter un panier à provisions,
d'aboyer sur commande... bref de faire plaisir à ses maîtres.
Très patient avec
les enfants, il est le complice de leurs jeux, mais aussi de leurs bêtises.
Quant aux aptitudes de gardien du Barbet, elles se limitent à la prévention. Il
aboie et annonce l'arrivée d'un étranger, mais ne se montre pas dangereux.
Heureux lorsqu'il vit au grand air, le Barbet peut s'acclimater à la vie
citadine, mais il faut dans ce cas le sortir souvent, le faire courir, lui
offrir de grands espaces et surtout les baignades dont il est friand.
L'idéal reste bien entendu une propriété avec un
jardin.