RENAISSANCE D'UNE RACE
Les chiens d'eau forment une très vieille famille canine européenne. Dans les
siècles passés, ils étaient répandus sur une grande partie de l'Europe de
l'Ouest et du Nord sous le vocable de Chiens d'eau. En Angleterre, le Water-dog,
en Allemagne, le Wasser-hund, en Espagne, le Perro de agua, au Portugal,
le Cao de agua. A la fin du siècle dernier on signale un chien d'eau polonais, et
le Puli était appelé chien d'eau hongrois. En France, ce chien est appelé Barbet
et en Italie, Barbone à cause de sa barbe. En Espagne et au Portugal on parlait
parfois de Barbetta.
Quelque soit le pays il s'agissait du même chien caractérisé par un poil
laineux et frisé, d'un caractère doux et sociable,d' une intelligence
remarquable et d'un amour inconsidéré de l'eau.
Difficile de savoir d'où et comment est apparue cette race. Certains
prétendent qu'elle est venue d'Afrique du Nord importée lors de l'invasion
arabe, d'autres pensent qu'elle est autochtone, d'autres la font même venir du
Nord de l'Europe ou de Russie.
Toutes les recherches exhaustives de Mme Gran, membre du comité du Caniche de
France, s'arrêtent au sud de l'Espagne. D'autres investigateurs comme Robin de
l'école vétérinaire d'Alfort, suivent la piste jusqu'en Andalousie.
Il parait plus vraisemblable de penser qui si là s'arrêtaient toutes les
pistes, c'est parce que tout près se trouvait le berceau des chiens d'eau.
A partir de là, on peut bien sûr échafauder toutes sortes d'hypothèses quant
à son origine, mais ce ne seront jamais que des théories ne reposant sur rien de
concret et de formel.
Par ailleurs, le barbet qui apparaît sur la gravure de "l'histoire naturelle"
de Buffon en 1750 représente le type le plus rustique et le plus ancestral du
Chien d'eau.
Il est toujours aujourd'hui celui du Perro de agua.
En 1483 paraît le traité de vénerie de Gaston Phébus comte de Foix Il
n'y parle pas du barbet, mais sur l'une des miniatures illustrant cet ouvrage,
on peut voir un couple de chien dont la femelle a eu les pattes rasées. C'est
sans doute un couple de barbets avec déjà une ébauche de tonte à la française. Il
faut attendre le 16ème siècle pour avoir enfin des textes et une iconographie
plus précise sur le barbet.
En 1553, Jacques du Fouilloux mentionne le barbet dans son traité.
En 1579, dans le recueil d'histoires extraordinaires de Philippe Alcripe,
trois histoires ont pour héros un barbet.
En 1583, dans le "plaisir des champs" de Claude Gauchet, est relatée une
chasse aux canards avec des faucons et des barbets.
Dès cette époque, le barbet est également chien de compagnie.
Le barbet est donc très répandu et mentionné dans beaucoup de livres.
Au 17ème siècle, le barbet est toujours là, présent partout. En Angleterre,
Markham dans son livre paru en 1621 nous parle longuement du water-dog et vante
ses mérites à la chasse à la sauvagine.
En 1683, Espée de Sélincourt dans son livre"le parfait chasseur"nous explique
comment chasser la loutre avec des barbets.
En 1684, Antoine Furetière dans son "essais d'un dictionnaire universel" nous
donne une description du barbet.
On peut y lire :"Barbet : chiens frisés. Leur principale nature est de
rapporter. On les appelle aussi chiens à gros poils".
Le 18ème siècle va être un tournant pour la race. En Angleterre le barbet est
croisé avec le setter et va devenir English water spaniel. Petit à petit le
water spaniel va se répandre au détriment du barbet qui devient de plus en plus
rare à la fin du siècle en Angleterre. L'Irish water spaniel apparaîtra un
siècle après son cousin anglais.
En France, le barbet va lui aussi subir une évolution. On le croise avec une
petite race et après plusieurs sélections, on obtient le "petit barbet"qui va
devenir chien de compagnie. Il est toiletté en lion comme les autres chiens des
dames de ce siècle.
Le grand barbet, lui, est toujours chien de chasse. Parallèlement à ce barbet
chasseur, le grand barbet de compagnie coexiste, mais il est toiletté en lion.
Entre 1751 et 1780, parait l'encyclopédie de Diderot-Alembert. Il est
intéressant d'y lire sa description du barbet : "gros chien à poil frisé
qu'on instruit à rapporter, qui va à l'eau et qu'on dresse à la chasse aux
canards. On tond les barbets et leurs cordes entrent dans la composition des
chapeaux. Le barbet de la grande espèce à le poil long, cotonneux et frisé. Il a
la tête ronde, les yeux beaux et le corps trapu. Ils sont très aisés à dresser,
ils vont à l'eau..."
Louis Ligier, dans "Nouvelle maison rustique", nous parle des barbets comme
étant des chiens à gros poil frisés qu'on dresse à la chasse aux canards et que
l'on tond pour confectionner des chapeaux.
En 1788, Magné de Marolle nous apprend que le barbet n'accompagne pas à la
chasse que les grands du royaume mais également les chasseurs plus modestes du
Nord de la France.
Le 19ème siècle fit du barbet un chien militaire de la grande armée de
Napoléon 1er et ce jusqu'au second empire. Ce sera aussi la transformation du
barbet. La tonte de chasse disparaît au profit de la tonte en lion. On prend
l'habitude de lui couper la queue et de l'appeler chien-canard ou caniche.
Notre grand caniche du début du 20ème siècle est exactement le même chien que le
barbet. Il n'a subit l'apport d'aucune autre race. Simplement, on a commencé à
sélectionner des barbets plus petits, moins rustiques et de poil moins frisé.
C'est tout au moins l'affirmation de JB Samat dans son livres" les chiens de
chasse" paru en 1931. Je vous cite un extrait :" Le caniche actuel n'est
qu'un barbet sélectionné(en 1931, bien sûr, car cette affirmation n'est plus
vraie aujourd'hui). ..Le barbet est un chien de marais incomparable...chien
passable dans les bois pas très fournis. Ce n'est pas un chien de grand nez."
La grande encyclopédie de 1890 nous parlent des barbets comme de chiens à tête
ronde, au poil laineux long et frisé, au pelage blanc ou noir. Ce sont les plus
intelligents de tous les chiens. Il sont excellents pour rapporter. On les
emploie rarement pour chasser en plaine mais comme ils aiment beaucoup l'eau ils
peuvent rendre de grands services pour la chasse aux oiseaux aquatiques.
Tous les auteurs du 20ème siècle parle du barbet comme d'un grand chien, trapu
et court sur patte, au poil long, laineux et frisé comme de la laine de mouton.
C'est par ailleurs un excellent rapporteur, il adore l'eau par tous les temps.
C'est le
compagnon indispensable des chasseurs de sauvagine.
C'est par ailleurs un très mauvais chien de plaine et d'arrêt.
Je laisserai le mot de la fin à M.de la Rue qui écrivait en 1881 dans son
livre:"Les chiens d'arrêt français et anglais":
"Le véritable milieu du barbet, ce sont les marais...Le barbet est-il
un chien d'arrêt? Je ne le pense pas. Je sais que l'on me citera des barbets
aussi bons que des épagneuls. C'est possible. Toutefois ces sujets sont rares et
quand on les regarde de près, on découvre vite que ce ne sont pas de véritables
barbets, qu'il y a en eux beaucoup de choses dues à l'atavisme et qui vient
d'une autre race. Lowe à M.Favre était de ces chiens....
En peu de mots, le barbet est un spécialiste nullement outillé pour
faire un chien d'arrêt. Tel le barbet résultant d'un premier croisement, autant
dire un caniche. Il va sans dire que le barbet s'éloignera d'autant plus du
caniche pour se rapprocher du chien d'arrêt qu'il aura plus de sang étranger
dans les veines".
Sources : "essais d'un dictionnaire universel" de Antoine Furetière
(1684)
"encyclopédie Diderot-Alembert (1751-1780)
"dictionnaire vétérinaire et des animaux domestiques" de Pierre Joseph buc
Hoz (1770)
"Nouvelle maison rustique" de Louis Liger (1798)
"nouveau dictionnaire d'histoire naturelle" (1816)
"dictionnaire universel d'histoire naturelle" (1847)
"encyclopédie pratique de l'agriculture" (1859)
"conseils aux chasseurs" de Charles Bemelmans (1866)
"le chien" de Eugène Gayot (1867)
"les chiens d'arrêt français et anglais" de A de la Rue (1881)
"grande encyclopédie" (1890)
"les chiens" de Jean Robert et Louis Fortin (1898)
"les chiens de chasse" de J.B.Samat (1931)
"la chasse. Les races de chiens." de René Gravigny (1949)